Les fêtes de fin d’années et leurs difficultés de digestion ont parfois pour conséquence de nous procurer de drôles de rencontres.
Non, je ne parle pas ici de l’oncle qui raconte toujours les mêmes blagues salaces au moment du digestif ou de la charmante cousine qu’on avait pas vue depuis qu’elle avait huit ans et qui a bien changé depuis…
Non, je vous parle d’une rencontre improbable avec un drôle d’oiseau, si peu fréquent que son nom en est quasiment devenu synonyme de rareté dans la langue française : le merle blanc.
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Mais reprenons du début : cette année, j’ai passé les fêtes de noël en famille à Revel à la limite de la Haute Garonne, du Tarn et de l’Aude. Après trois jours d’un régime spécial à base de foie gras, chapon farci et autres bûches à la framboise, le besoin d’aller marcher un peu avant d’attaquer le repas du quatrième midi se fit sentir…
Évidemment, je ne conçois pas d’aller me balader sans prendre un boitier avec moi, même si ça fait souvent râler ma famille… Qui plus est, il y avait une jolie lumière et je me disais que ça me changerait des oiseaux de faire quelques photos d’ambiances… Et d’ailleurs, je n’avait qu’un zoom 28-135 mm avec moi donc, pour une fois, je n’allais vraisemblablement pas taquiner les volatiles.
Pourtant, alors que nous marchions sur un sentier longeant La Rigole de la Plaine, mon regard fut attiré par une tache blanche au milieu d’une haie de lauriers.
Évidement, c’était un oiseau mais je me demandais bien quel oiseau blanc pouvait se retrouver perché, en cette saison, au milieu d’une haie…Sans doute un juvénile mais de quelle espèce et si tard dans l’année ?
Il y a bien quelques goélands et mouettes qui rodent près de la décharge et sans doute une aigrette ou deux qui doivent trainer près du Lac de Saint Ferreol mais, là, dans une haie, c’était plutôt étrange…
Je m’approchais donc doucement, tout en pestant de ne pas avoir mon 300 mm, ni même mes jumelles avec moi…
Je réussis à m’approcher à moins d’une dizaine de mètres sans trop l’inquiéter et je pus donc l’observer à loisir :
Et là, pas de doute, il s’agissait bien d’un merle et de taille adulte ou quasiment… J’avais bien déjà entendu parler d’oiseaux albinos mais je n’en avais jamais observé. Tout excité, j’essayais de me souvenir de la théorie sur la dépigmentation chez les oiseaux.
En fait, le merle blanc est un Merle noir (Turdus merula) atteint de leucistisme ou d’albinisme.
Normalement noir avec un bec jaune, il arrive parfois qu’un merle ait un problème de pigmentation, d’origine génétique, qui peut porter sur tout ou partie du plumage et du corps.
Le merle blanc albinos, c’est-à-dire dont les cellules sont incapables de synthétiser la mélanine qui colore normalement son corps de brun-noir, aura un plumage entièrement blanc, des yeux et pattes rouge rosés mais le bec jaune grâce à la présence d’autres pigments (caroténoïdes).
Le merle blanc leucistique, c’est-à-dire dont les pigments ont des problèmes pour migrer dans les cellules, pourra présenter seulement quelques plumes blanches ou bien, au contraire, quelques plumes noires résiduelles, avec toutes les possibilités intermédiaires, selon le degré d’atteinte de sa pigmentation. Si les pattes ou le bec peuvent être décolorés également, l’œil, quant à lui, reste noir.
Albinisme et leucisme concernent toutes les familles d’oiseaux, mais à des degrés divers. Chez Turdus merula, on observe assez souvent des individus (presque toujours des mâles) avec diverses parties du corps tachées de blanc.
Ce caractère lié au sexe et certaines descendances d’individus leuciques laissent supposer une origine génétique.
La couleur de ces oiseaux les expose plus à l’attaque des prédateurs. Plus vulnérables, les individus entièrement blancs ont donc de moindres chances de survie et de reproduction.
De plus, les albinos ont une déficience visuelle qui les voue à une mort rapide. Les albinos rencontrés sont donc le plus souvent des sujets jeunes.En revanche les merles leucistiques n’ont pas d’atteinte oculaire et peuvent très bien atteindre l’âge adulte.
Et c’était vraisemblablement le cas pour celui-ci. j’avais donc affaire à un merle atteint de leucinisme.
Comme je décidais de tenter de me rapprocher encore un peu plus, il regagna le couvert de la haie et je ne vis plus qu’une petite tache claire qui, finalement, disparut.
J’étais tout estabousit, comme on dit dans le Languedoc, et je m’empressais d’aller me documenter sur cet animal.
J’appris ainsi que, sans être rarissime, c’était un animal très peu fréquent au point d’avoir généré quantité d’expressions :
- « Un merle blanc » est, dans le langage familier, une expression désignant une chose exceptionnelle ou rarissime
- « C’est le merle blanc. » : se dit par extension de quelqu’un qui possède des qualités très difficiles à réunir.
- Pour défier quelqu’un de faire une chose qu’on regarde comme impossible, on dit quelquefois : « Si vous faites cela, je vous donnerai le merle blanc ».
Il a également inspiré les poètes et les auteurs :
- Jacques Houssin, avec Le Merle blanc, une comédie sortie en 1944.
- Jules Renard : « Le merle blanc existe, mais il est si blanc qu’on ne peut le voir, et le merle noir n’est que son ombre. ».
Et pour finir, je laisserai le dernier mot à Georges Brassens dans « Embrasse les tous » :
« En attendant le baiser qui fera mouche,
Le baiser qu’on garde pour la bonne bouche,
En attendant de trouver, parmi tous ces galants,
Le vrai merle blanc,
En attendant qu’ le p’tit bonheur ne t’apporte
Celui derrière qui tu condamneras ta porte
En marquant dessus « Fermé jusqu’à la fin des jours
Pour cause d’amour« , embrasse les tous ! »
Ce sera toujours plus fin et plus enrichissant que les blagues salaces de l’oncle au moment du digestif, qui lui n’a rien, hélas, d’un merle blanc…..
Sources, liens et remerciements :
Le site du canal du midi
C’est une rencontre rare. Dans ma Provence natale, nous avons un dicton pour indiquer qu’une personne a vraiment des exigences extrêmes : « si je l’écoutais, il me demanderait de lui ramener un merle blanc qui siffle par le derrière ». Tu as au moins rempli la moitié du contrat….
Bientôt embauché chez terres sauvages ou en pigiste à la Salamandre…
Magnifique roman photo cultivant et enivrant!
Bisous à vous
lo
Salut Flo
j’ai aussi découvert il y a peu de temps en visite à l’aquarium de la porte dorée sur Paris une drôle de bestiole : un caïman blanc , atteind lui aussi d’albinisme.
Rien de comparable avec ta découverte aussi insolite qu’adorable !
Feliz nuevo año 2016 para toda tu familia
Martine
Salut Florent
Toujours un vrai régal de te lire et d’apprendre, et d’apprécier tes photos bien sûr
Merci et très bonne année à toi
Bernard
Bonne année à toi aussi Bernard et à un de ces jours j’espère.
Bravo, Florent, tu m’épates toujours autant. Quel oeil !
Véronique