Mangeons français ! Enfin, faut voir…

J’imagine que depuis quelques semaines vous avez du, comme moi, voir ou entendre ces injonctions gouvernementales qui fleurissent dans nombre de médias : « Pour soutenir l’élevage français, consommez de la viande française ! ».

Ca parait frappé du sceau du bon sens et faire consensus large. D’ailleurs, avez vous essayé d’aborder le sujet en société ? Et bien, c’est la quasi unanimité ! Pour une fois, tout le monde se range derrière le gouvernement et les syndicats agricoles, pourtant pas souvent du même avis…

Tout le monde ? Enfin presque…Quelque part dans les villes et les campagnes, des irréductibles consommateurs résistent à l’envahisseur idéologique.

Et j’en suis !

En effet, depuis le début, cette campagne me dérange et me parait tellement réductrice qu’elle en devient caricaturale. Et cela à plus d’un point.

Tout d’abord, que se passera t’il si les consommateurs des autres pays européens décident de faire la même chose ?

En effet, la France est le premier exportateur européen de bétail; d’après un rapport d’Interbev, c’est environ 240 000 tonnes de viandes par an qui partent à l’export dont 1,3 millions de bovins vivants.

Mais, me direz vous, on exporte beaucoup vers des pays d’Afrique ou du moyen orient qui n’en produisent pas et qui devront toujours en importer.

Oui, mais pas que… Par exemple, sur ces 1,3 millions de bovins, nous en exportons 906 000 vers l’Italie et 273 000 vers l’Espagne, soit 91% …

Si nous fermons nos frontières à leurs produits ou que nous continuons, à l’instar de ce qui s’est passé cet été, à intercepter leurs camions de viande, comment ne pas penser qu’ils feront la même chose et boycotteront ou brulerons nos productions ?

Et puis, toujours dans ce chapitre de la prétendu concurrence déloyale européenne, il serait bon de rappeller que nombre d’éleveurs et de producteurs touchent des aides européennes, afin que leurs productions soient économiquement rentables.

Toutes productions agricoles confondues, cela a représenté environ 7,5 milliards d’euros en 2014. In fine, cet argent provient des impôts des citoyens européens, lesquels citoyens pourraient trouver cette forme de solidarité bien amère, envers un pays qui choisit, indirectement, d’inciter au boycott des productions des autres nations du vieux continent…

Bref, cette forme de nationalisme de la consommation, est plutôt un choix à court terme pour ne pas dire à courte vue… Comme tous les natiolalismes d’ailleurs…

Mais pour ma part, l’essentiel nest pas là…

Manger français, d’accord mais à condition de manger de la qualité. Et c’est là où bien souvent le bât blesse.

En effet, cette campagne de communication sous-entend implicitement que les viandes françaises sont forcément de qualité et que celles des autres pays ne le sont pas ou le sont moins…

Tout d’abord, il suffit d’avoir un tant soit peu voyagé en europe, pour se rendre compte que nos voisins ont eux aussi leurs terroirs et savoirs-faire et que, bien de leurs produits, sont au moins aussi qualitatifs que les nôtres.

Pour être honnête, et à y regarder de plus près, ces campagnes disent juste que consommer de la viande française c’est soutenir les éleveurs français, pas que la viande est nécessairement de qualité…

D’ailleurs, ces logos déclinés pour chaque animal, ne sont pas des labels de qualité officiels à l’instar du Label rouge. Ils peuvent être apposé sur toutes les viandes françaises et donc sur les viandes produites industriellement.

Et oui, au cas où vous l’ignoreriez, la majorité de la viande française est produite dans des élevages industriels intensifs et de moins en moins par des agriculteurs dans une ferme avec des animaux se nourrissant à l’air libre.

En effet, selon les sources (et ce n’est pas si facile à vérifier.. ), environ 80% des animaux élevés en France le seraient de manière industrielle. Bien sur, il y a de grosses disparités entre le lapin (près de 99%) et le boeuf (environ 40%).

Et encore, sur la production de bovins, seulement 3% ont un des quatre véritables labels de qualité (Label rouge, AB, AOC, IGP).

Ces élevages intensifs produisent bien de la viande française quoique on pourrait se demander si une bête qui n’a mangé que du tourteau de soja importé du Brésil ou des farines protéinées venant des Etats unis est si française que ça…

Et que dire de l’impact sur la planète de cette production, des méthodes d’élevage dans le mépris envers un animal qui nous nourrit, sans même parler des conditions ignobles dans lesquelles il est bien souvent abattu…

Et oui, le tableau est bien sombre et l’on peut comprendre que d’aucuns choisissent de renoncer à la viande, française ou pas.

Il est clair que l’élevage français est à un tournant; va t’il aller encore plus loin dans l’industrialisation, par exemple vers le modèle de la ferme des milles vaches ? Ou bien va t’il revenir à des productions de qualité où l’animal est au centre de la préoccupation de l’éleveur ?

Pour ma part, cela fait déjà longtemps que j’ai exercé le seul choix qu’on a bien voulu me laisser (à part celui d’ouvrir ma gueule dans ce blog…) : acheter  de la viande de qualité, auprès d’éleveurs locaux dans des circuits courts.

Privilège de nanti me direz vous, voire de bobo ? Même pas ! Il faut juste accepter deux choses à la portée de tous : manger moins de viande par semaine et consacrer plus de temps à aller l’acheter auprès de producteurs.

Ça ne me coute pas plus cher qu’avant (j’ai vérifié…) et j’ai ainsi l’impression d’être en accord avec mes valeurs de protection de la planète tout en contribuant à aider à vivre des producteurs et des éleveurs qui ont l’amour du travail bien fait.

Et en plus, je me régale et ma famille aussi ! D’ailleurs, j’invite tous ceux qui le veulent à venir gouter chez moi l’agneau d’alpage produit par Didier Girard au Bourg d’Oisons, le veau de la Ferme des Merciers à Lans en Vercors, le boeuf ou le porc de la ferme des Colibris à Méaudre et les volailles de la ferme de Valensole à Saint Just de Claix.

De plus,  je continuerai à acheter du jambon de Parme italien ou du chorizo espagnol car la qualité n’est pas l’apanage de l’hexagone…

Et même si je ne connais pas encore de producteurs de sanglier, on pourrait ainsi se faire un banquet d’irréductibles consommateurs, qui résistent aux diktats du nationalisme alimentaire industriel…

Par Toutatis !

 

 Sources, liens et remerciements :

Synthèse du rapport d’Interbev et rapport détaillé sur les exportations françaises de viande.

Les chiffres clefs de la production de viande rouge par France Agrimer

Atlas de la viande pour les chiffres de l’impact de l’élevage sur la planète

Interview de Christian Le Lann,  Président de la Confédération française de la boucherie charcuterie traiteur (CFBCT),

 

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