H5 Une matinée de tensions

Flo à l’hosto, épisode 5

Samedi 17 mai, 6h du matin, je suis réveillé par l’infirmier de service :

« Bonjour, vous avez bien dormi cette nuit ?

– Ben, vu qu’on est venu me réveiller toutes les 2 heures pour voir si tout allait bien, on va dire que j’ai fait pleins de petites nuits… Mais, ça va.

– Bon, tous vos paramètres sont bons, vous allez donc vraisemblablement quitter le service réanimation en fin de matinée et retourner dans votre chambre en cardiologie. Le médecin va vous examiner puis on va vous enlever certains tuyaux, vous refaire le pansement et vous pourrez partir. Mais avant tout ça, il faut qu’on s’occupe de votre voisin. »

Il faut dire que mon voisin de chambre n’a pas l’air d’aller bien … Je ne le vois pas car on est séparé par une demi cloison mais tout me laisse à penser que son pronostic n’est pas terrible. D’abord, depuis hier après midi, les médecins se succèdent régulièrement par deux ou trois et échangent entre eux d’un air dubitatif, alors que je n’ai pas eu la moindre visite de leur part

Puis, sa famille est venu hier en fin d’après midi le voir et j’entendais ce qu’essayait de leur dire à demi-mots le médecin. En fait, quand on est pas impliqué affectivement et qu’on ne voit pas ce qui se passe, on entend très bien les messages qu’il essaye de leur faire passer entre les lignes….Pour faire simple, il leur disait implicitement de se préparer au pire…

Et puis, durant la nuit, les alarmes de ses appareils de contrôles n’ont pas arrêté de sonner tous les 1/4 d’heures environ et je n’ai pas eu l’impression que c’était du à un problème de batterie….

Vers 7H30, tout à l’air de s’accélérer, il y a au moins 4 personnes autour de lui qui ont l’air de le préparer pour aller au bloc.  Je ressens nettement une tension qui ne ressemble pas à de la concentration avant une intervention.

Soudain, les alarmes de ses appareils se mettent à sonner de partout et j’ai un peu l’impression que la cavalerie débarque vu le nombre de blouses bleues et blanches qui s’activent autour de lui. Je ne comprends pas tout mais j’ai l’impression qu’il réagit mal aux changements d’appareils pour aller au bloc et, qu’en plus, deux de ceux ci dysfonctionnent…

Coincé dans mon lit, impuissant, je lutte à la fois pour ne pas éponger tout ce stress et pour, dans un effort mental quelque peu dérisoire, de lui transmettre un peu de ma force, ou de ce qu’il en reste. Quand il quitte la chambre entouré d’une cohorte de médecins, je suis complétement à plat. Et pourtant, je suis le chanceux des deux… Je lui envoie tous mes vœux mentaux de courage et de force, on ne sait jamais…

Et puis tout s’apaise d’un coup…

Je me retrouve tout seul dans la chambre et j’essaye de me détendre. Encore une fois, je bénis intérieurement tout ce qu’on m’a apprit de la méditation zen, du Tantra yoga et en particulier les exercices respiratoires pour ramener le calme intérieur. Mais c’est difficile tant la tension flotte encore dans l’air…

Une demi heure plus tard, alors que je commence à être détendu (et à avoir faim…), un médecin et deux infirmiers arrivent. Le médecin m’examine sous toutes les coutures (c’est le cas de le dire vu la cicatrice qui me traverse la poitrine de haut en bas…) et conclu : « Bien, bien, tout va pour le mieux, votre cicatrice est très propre, déjà presque sèche, vos paramètres sont stables, je pense que vous devriez vous remettre rapidement de l’opération. On va juste vous refaire votre pansement, vous enlever les drains post opératoires et vous pourrez nous quitter et retourner en chambre.. »

Je bondis de joie intérieure et le remercie pour ses bonnes nouvelles. Je me dis que je viens de franchir une étape importante et, somme toute, sans trop en chier…

J’aurais du me méfier, c’était trop beau….

En effet, le médecin parti, l’infirmier me dit : « Bon, on va vous retirer les 4 drains que vous avez dans le ventre. Ce sont des tuyaux de matière souple, placés à l’intérieur du corps . Les autres extrémités sont reliées à un dispositif qui permet d’aspirer le contenu du tube (sécrétions, sang…) à l’aide d’un appareil utilisant le vide. Par contre, je vous préviens, ça fait un peu mal et c’est impressionnant, donc n’hésitez pas à utiliser la pompe à morphine... ».

Même pas peur…

Et le voilà qui prépare ces instruments pour me retirer ces tuyaux. J’en profite pour jeter un coup d’œil à mon ventre, histoire de me faire une idée d’à quoi ça ressemble ; mauvaise idée… En effet, les tuyaux sont carrément enfoncés dans mon ventre et j’ai l’impression d’être une espèce d’alien cybernétique.

Je le vois prendre des pinces et ciseaux et s’attaquer au premier tuyau. Il détache quelque chose et commence à tirer. Ça fait un bruit de caoutchouc mouillé qu’on déplie et il tire d’un coup ! Waouh ! La vache ! Ça fait pas semblant de faire mal…Et le pire, c’est le bruit : Sluuurrppppp….J’ai un peu l’impression qu’on vient de m’arracher un bout de boyau…

« Allez, plus que trois. », me dit il. Et ben, ça promet d’être joyeux les prochaines minutes…Allez hop, je m’octroie une petite pression de morphine…

L’extraction des deux tuyaux suivants n’est pas moins douloureuse mais je suis prévenu et j’ai eu le temps de me préparer mentalement. Évidemment, c’est toujours quand on croit voir le bout du tunnel que ça se complique…

En effet, allez savoir pourquoi, le quatrième est un récalcitrant qui se trouvait bien installé dans mon ventre et qui n’avait pas du tout envie de s’en faire déloger…L’infirmier et son assistant s’y reprennent à trois fois avant de réussir à le détacher et à l’extraire de mon bide. Quand, je vous parlait d’Alien…

Je crois bien que j’entendrai le bruit que ça a fait jusqu’à la fin de mes jours….

Puis, il nettoie le chantier et me pose quatre points bizarres aux quatre trous. Ça ressemble un peu au fil de fer vert avec lequel on attache en torsade les grillages aux poteaux de clôture autour des jardins…

Finalement, il nettoie ma cicatrice avec des gestes super précis et m’y pose un pansement d’un blanc immaculé.  « Voilà, c’est fini, dans 10 minutes, je vous amène votre petit déjeuner... ».

Malgré la tension et la douleur de l’extraction, je ne peut m’empêcher d’admirer son professionnalisme et son sang froid  et je me dit que j’ai de la chance d’être tombé entre de si bonnes mains…

Comme convenu, mon petit déjeuner est servi dix minutes après. J’arrive sans problème à boire le thé mais la biscotte me pose plus de problèmes…J’ai beau essayer de faire un effort mental, c’est comme si mon estomac était noué (avec du fil de fer vert…) et que rien ne voulait passer…

Une heure plus tard, il revient avec une autre infirmière, défont quelques branchements, les raccordent à un appareil portatif et commencent à pousser mon lit vers la sortie de la chambre.

Je croise des infirmières et des aides soignantes qui se sont occupées de moi durant ces 36 heures et tout le monde me sourit et me souhaite bon rétablissement. J’ai un peu l’impression d’être le buteur du mach salué par le staff technique lors de sa sortie du terrain…

Je retraverse dans l’autre sens les couloirs et je me remémore l’état psychologique dans lequel j’étais alors que je me dirigeais vers le bloc opératoire : j’avais beau essayer d’être zen, je n’en menais pas très large…

A ce moment précis, alors que je roule vers le service cardiologie, j’ai un peu le sentiment d’avoir repris en partie ma vie en mains…

C’est du moins ce que je pensais à ce moment….

Pour savoir si mes prédictions étaient bonnes, ne manquez pas l’épisode 6 de Flo à L’hosto….

 

2 thoughts on “H5 Une matinée de tensions

Répondre à jfsoulat Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *