Voici un beau papillon que l’on peut facilement observer dans les parcs, jardins et prairies. Mais le fait qu’il soit commun ne veut pas dire qu’il soit banal…
En effet, le Vulcain, ou Vanessa Atalanta, est placé sous le signe de la dualité dans nombre de ses caractéristiques.
Tout d’abord, on retrouve ce double aspect dans ses différents noms, qui évoquent les mythologies latines et grecques.
Latine, avec Vulcain le dieu du feu et des enfers chez les romains. En effet, Le couleur rougeoyante de sa livrée, associée au battu des ailes, évoquait aux anciens les soufflets et les feux des forges de Vulcain.
Grecque, car son nom savant en est issu, avec Vanessa qui signifie briller et Atalanta qui était une vierge chasseresse. Elle aurait même été la seule femme à faire partie de l’équipage des argonautes, qui accompagna Jason dans la quête de la toison d’or…
Son père souhaitant néanmoins la marier, elle ne voulut prendre pour époux que celui qui pourrait la battre à la course ; ceux qui échoueraient seraient mis à mort…La légende indique que les prétendants partaient les premiers, sans armes, et qu’Atalante, munie d’un javelot, tuait ceux qu’elle dépassait.
De nombreux prétendants moururent ainsi, jusqu’à ce que se présente Hippomène, qui aidé d’Aphrodite, laissa tomber trois pommes d’or, provenant du jardin des Hespérides, données par la déesse ; curieuse, la jeune fille s’arrêta pour les ramasser, et fut ainsi devancée à l’arrivée…Et forcée de se marier…
Ce lien aux fameuses pommes d’or est vraisemblablement lié à une autre dualité de ce papillon : son alimentation.
En effet, ce papillon a la particularité d’être très attiré par les fruits mûrs, et même plus que mûrs…voire pourrissants.
De ce fait, et notamment en fin de saison, il s’observe fréquemment sur les pommes, poires, prunes, raisins, et autres fruits tombés, le plus souvent en compagnie de mouches, guêpes, et frelons.
Néanmoins, le nectar des fleurs est sa nourriture principale. Les fleurs les plus appréciées du vulcain sont celles de la famille des composées. On les voit souvent se nourrir sur les buddleias, les marguerites, les artichauts et bien d’autres fleurs.
Double, il l’est également dans sa reproduction. Ou du moins, selon qu’il migre ou pas, il va donner naissance à une ou deux générations. On dit qu’il est bivoltin ou univoltin (1 ou 2 générations annuelles).
La femelle pond des œufs de couleur vert foncé qu’elle dépose de manière isolée sur des feuilles d’orties. L’éclosion des œufs a lieu après une semaine.
La chenille confectionne un abri bien reconnaissable en enroulant une feuille qu’elle maintient dans cette position au moyen de fils de soie, et dont elle ronge le pétiole, de sorte que la feuille pend librement. Au bout d’un mois environ, la chenille atteint environ 35 mm et se chrysalide. Le stade nymphal dure approximativement 15 à 20 jours.
Mais le Vulcain est également célèbre pour sa capacité exceptionnelle de migration qui en font un véritable voilier au long cours. Et là aussi, il utilise deux voies possibles.
Ces lépidoptères aventureux quittent le Maroc au printemps en survolant le détroit de Gibraltar. Puis, soit ils longent les côtes atlantiques portugaise puis françaises pour ensuite se diriger vers les Îles britanniques jusqu’aux îles Shetland ou en Islande. Soit ils longent la côte méditerranéenne, empruntent la vallée du Rhône puis celle de la Saône, jusqu’aux Pays-Bas.
Dans les deux cas, les papillons arrivés dans le Sud de l’Angleterre ou en Belgique peuvent, pour certains individus, poursuivre vers les côtes danoises puis la Scandinavie, notamment la Norvège, et atteindre le cercle polaire arctique. Rien que ça…
Il existe également des départs depuis d’autres pays d’Afrique du Nord, auquel cas les papillons peuvent traverser entièrement la Méditerranée ou longer les côtes de Sardaigne et de Corse…
En France, là aussi, se distinguent deux voies de migrations principales : la voie occidentale (façade Atlantique, côtes de la Manche) et la voie orientale (vallées du Rhône et de la Saône, cols alpins). Chaque année, à l’automne, il est possible d’observer sur l’une ou l’autre des voies d’importants passages actifs : des milliers, voire des millions, de Vulcains peuvent survoler une région en quelques jours
Et pour finir, deux de ses caractéristiques intéressent particulièrement les chercheurs. Ses capacités à capter la chaleur et à réfléchir la lumière.
Pour se réchauffer par temps froid, le papillon déploie ses ailes au soleil. Les ailes capturent et gardent la lumière avec une efficacité remarquable. La couleur noire capte au maximum la lumière solaire. C’est sans doute à cause de cela que j’observe souvent le vulcain ailes toutes étalées se chauffant au soleil sur un support quand il ne fait pas très chaud, en hiver (sédentaire) ou au début du printemps.
Cette aptitude n’est pas seulement due à leurs pigments sombres, mais aussi à leur structure : ces ailes sont recouvertes de minuscules écailles qui se chevauchent. Ces dernières possèdent des rangées de trous en forme de nids d’abeilles et séparées par des crêtes pointues qui dirigent la lumière vers les trous. Cette structure ingénieuse capture la lumière du soleil, ce qui rend les ailes extrêmement sombres et réchauffe le papillon avec une incroyable efficacité.
Mais ce n’est pas tout car non seulement il captent la chaleur mais ils la réfléchissent également de manière très importante.
Certains chercheurs vont même jusqu’à affirmer que le capteur du futur aura la forme… d’une aile de papillon !
En effet, en étudiant au microscope les complexes nanostructures qui donnent leur brillance aux ailes des lépidoptères, l’équipe de Radislav Potyrailo (USA) a réussi à modéliser la manière dont elles réfléchissent les rayons lumineux.
Ils ont aussi découvert que les ailes de papillon ont un autre pouvoir : la lumière qu’elles réfléchissent varie en fonction de leur environnement chimique et sont d’excellents détecteurs de chaleur. » (Revue « science et vie » 1136 – mai 2012 – M.F -)
Et l’on pourrait encore trouver bien des dualités pour le qualifier, mais pour le décrire, mieux vaut laisser la parole au poète qui, en quatre vers, en dresse le meilleur des portraits :
« Voici le Vulcain rapide
Qui vole comme un oiseau
son aile noire et splendide
Porte un grand ruban ponceau. »
Gérard de Nerval, Odettes (1834), Les papillons
Sources, liens et remerciements :
Article d’Antoine Levêque sur la migration des papillons dans la revue du Groupe“OPIE – Insectes migrateurs ».
Balades entomologiques pour le travail sur les couleurs
Urticamania avec de belles planches sur le vulcain et d’autres papillons
Le blog de Jean-Yves Cordier avec un excellent article sur l’étymologie du vulcain
Wikipedia